Réponse commune de l’AFIFAE et de la NAVSA

à la consultation publique relative au projet de décret relatif à l’interdiction de certains produits en plastique à usage unique

 

Le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé une consultation publique afin de recueillir l’avis des parties concernées sur le projet de décret relatif à l’interdiction de certains produits en plastique à usage unique. Pour rappel, ce projet de décret est pris en application de l’article L541-10-5 du code de l’environnement, introduit par l’article 73 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et modifié par l’article 28 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGAlim).

 

L’objectif de ce projet de décret est de préciser les conditions d’application des interdictions de mise à disposition de certains produits en plastique à usage unique, afin notamment de transposer en droit national les dispositions de la directive n°2019/904 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement (directive Single-use Plastics – SUP).

 

Ce projet de décret met fin au 1er janvier 2020, à la mise à disposition des gobelets 100 % plastique à usage unique qui ne sont pas des emballages (c’est-à-dire vendus seuls en supermarché par exemple). A partir de juillet 2021, cette interdiction serait étendue aux gobelets en plastique considérés comme des emballages au sens de l’article 3 de la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994. Des exceptions seraient prévues si les produits sont compostables de façon domestique et constitués, pour tout ou partie de matières biosourcées (la teneur biosourcées minimale serait de 50 % à partir du 1er janvier 2020 et 60 % à partir de 2025). Les gobelets qui seraient composés partiellement de plastique, devront respecter une teneur inférieure à une teneur maximale fixée par un arrêté qui devrait préciser les conditions dans lesquelles la teneur de plastique est progressivement diminuée. Cet arrêté devrait être pris « dans les 2 ans » après la publication du décret, soit avant juillet 2021.

 

Par cette contribution, l’Association française des industries des fontaines à eau (AFIFAE) s’associe à la Chambre syndicale nationale de vente et services automatiques (NAVSA) afin d’alerter les pouvoirs publics sur les difficultés communes qu’induirait le projet de décret en particulier concernant l’impact sur l’utilisation des gobelets en plastique distribués aux fontaines à eau et dans les automates, régis par le statut d’emballages.

 

  • Une surtransposition de la directive européenne infondée  

 

La directive SUP prévoit seulement des mesures de « réduction de la consommation » (quantitatives et mesurables) pour les « gobelets pour boissons » (article 4 et annexe partie A). Seuls les gobelets en polystyrène expansé (les plus polluants car facilement désagrégeable, et dont la prévalence dans le milieu marin est la plus élevée) font l’objet d’une « restriction à la mise sur le marché » (article 5 et annexe partie B), c’est-à-dire d’une interdiction à la mise sur le marché. Or, les gobelets distribués aux fontaines à eau et dans les automates, ne sont pas en polystyrène expansé. Ainsi, le projet de décret instaure une interdiction pour l’ensemble des gobelets, sans aucune distinction, ce que la directive ne prévoit pas. Le « gobelet-emballage » en plastique à usage unique distribué aux fontaines à eau ainsi que dans les automates serait donc soumis à une interdiction générale et donc non proportionnée.

 

  • Le gobelet-emballage non-substituable dans les lieux publics ou ouverts au public.

 

La directive SUP affirme que « les emballages composites pour boissons utilisés pour la bière, le vin […] constituent des exemples de récipients devant être considérés comme des produits en plastique à usage unique, mais pas les gobelets pour boissons car ceux-ci constituent une catégorie à part de produits en plastique à usage unique » (Cons. 12). Cela justifie que le gobelet en plastique pour boissons soit traité différemment. En effet, le gobelet en plastique distribué aux fontaines à eau et dans les automates est, contrairement au gobelet « pique-nique » dont le consommateur pourrait aisément se passer, un emballage indissociable de son contenu. Cela est particulièrement vrai dans les lieux publics ou ouverts au public, et même en entreprises où la consommation de passage des « visiteurs » peut être importante. Le gobelet fait donc partie intégrante du service délivré : l’enlever reviendrait à rendre la prestation impossible. Pour cette raison, il ne peut pas faire l’objet de mesures d’interdiction générale sans qu’une solution proportionnée et appropriée soit disponible.

 

  • Le gobelet distribué aux fontaines à eau ou dans les automates peu susceptible de devenir un déchet sauvage.

 

La directive SUP précise qu’elle « ne devrait couvrir que les produits en plastique qui sont le plus fréquemment retrouvés sur les plages » (Cons. 7). Or, force est de constater que ce n’est pas le cas des gobelets distribués aux fontaines à eau et dans les automates. En effet, 70 % de ces activités sont concentrés en entreprises – tandis que les 30 % restants concernent des lieux publics ou ouverts au public tels que les gares, les aéroports, les universités ou les établissements de santé. Une confusion est ainsi faite entre le gobelet « pique-nique », susceptible effectivement de devenir un déchet sauvage, et le gobelet-emballage qui pour l’essentiel est trié au sein même des entreprises, soumises au « tri 5 flux » par la loi française.

 

  • L’impossibilité pour les fabricants de gobelets de répondre à la demande dans le délai imparti, conduisant à une transition très coûteuse pour le secteur.

 

La directive SUP définit des solutions alternatives qui doivent être « appropriées, plus durables, ainsi que d’un coût abordable [et] facilement disponibles » (Cons. 15). En l’occurrence, ces conditions ne sont pas réunies en ce qui concerne les alternatives au gobelet en plastique utilisé aux fontaines à eau et dans les automates. Le gobelet en carton, par exemple, a un coût entre 2 à 6 fois supérieur à celui du gobelet en plastique actuellement utilisé. Si les distributeurs devaient opérer une transition vers le gobelet en carton, ils verraient leurs coûts augmenter considérablement, sans garantie de pouvoir les répercuter puisque les prix font l’objet dans cette profession d’un encadrement contractuel. De plus, les fabricants de gobelets sont unanimes à reconnaître qu’entre 3 à 5 ans seraient nécessaires pour répondre uniquement à la demande française en gobelets de substitution. Un tel scénario, avec les conséquences qu’il induit (pénurie, prix élevés), entraînerait l’effondrement de notre secteur, composé à 90 % de TPE/PME familiales, pour la plupart installées en province et pourvoyeuses d’emplois non délocalisables.

 

  • Des objectifs ambitieux de recyclage plutôt qu’une interdiction générale si aucune alternative viable n’émerge

 

Aujourd’hui, des solutions techniques de recyclage et de valorisation des gobelets en plastique existent déjà, en particulier en ce qui concerne le plastique polypropylène (PP), qui est un des matériaux qui se recycle le mieux, quasiment à l’infini. Une interdiction générale ferait disparaître cette filière, en cours d’organisation et de développement, qui sera par ailleurs utile pour le recyclage d’autres types de produits en plastique qui ne sont pas à usage unique. La profession est pleinement consciente des enjeux environnementaux et est prête, en concertation avec les pouvoirs publics, à fixer des objectifs ambitieux et progressifs de recyclage, si aucune solution technique viable n’émerge d’ici 2025.

 

L’AFIFAE et la NAVSA proposent donc de :

 

  • Prévoir pour les gobelets-emballage en plastique à usage unique des mesures de réduction de consommation, conformément à l’article 4 de la directive n° 2019/904 du 5 juin 2019, en lieu et place des mesures de restriction à la mise sur le marché envisagées dans le présent projet de décret.

Selon l’article 4 de la directive précitée, la réduction de consommation s’entend de mesures débouchant « sur une réduction quantitative mesurable de la consommation des produits […] énumérés dans la partie A de l’annexe […] d’ici à 2026, par rapport à 2022 ». Il s’agirait donc de fixer par arrêté ministériel un objectif raisonnable de réduction de consommation des gobelets en plastique à usage unique.

 

  • A défaut, fixer la date d’entrée en vigueur de l’interdiction des gobelets-emballage en plastique à usage unique, qui ne sont pas composés en polystyrène expansé, au 1er janvier 2025. Ce délai laisserait à la profession ainsi qu’aux fabricants de gobelets le temps nécessaire pour s’adapter avec succès à cette transition. Ce report de l’interdiction pourrait également s’accompagner de mesures de réduction de consommation, dont les objectifs seraient fixés par arrêté ministériel. En revanche, si aucune solution technique viable n’est trouvée d’ici 2025, et afin d’éviter de faire disparaître l’ensemble de la profession et des filières de valorisation, il pourrait être fixés des objectifs ambitieux et progressifs de recyclage.

 

  • Dans tous les cas, accompagner ce projet de décret d’un document officiel interprétatif permettant de répondre de manière précise aux questions des acteurs et de préciser les produits concernés. Ce texte pourrait s’inspirer, dans sa forme, de la Foire aux questions (FAQ) élaborée avec les acteurs du secteur, en juin 2017, sur la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique.

2019.09.03 – Contribution commune AFIFAE-NAVSA – consultation publique – décret plastique à usage unique